Thierry Etcheto, coach de Waltary, et ancien joueur indépendant, livre ici quelques secrets pour bien choisir son coach ou encore s’améliorer techniquement pour progresser vers le haut niveau.
Comment un joueur doit-il choisir son coach ? Est-ce une bonne idée de prendre quelqu’un de sa famille ?
Thierry Etcheto : La problématique aujourd’hui à la pelote c’est que c’est hyper subjectif. On le fait parfois par lien familial et la problématique mais aussi l’avantage c’est qu’on est en hyper proximité. Est-ce que l’hyper proximité va bien quand on est en événement sportif ? Ça reste une question éternelle à laquelle on n’a toujours pas de réponse. Il y’a des gens avec qui ça fonctionne parce qu’il y a quelque chose qui fait qu’on sait séparer l’aspect famille de l’aspect aide à la performance. C’est difficile à discerner, il faut que ce soit deux caractères qui se complètent. Si on a entre guillemets deux forts caractères ce n’est pas sûr que ça soit complémentaire.
C’est plutôt compliqué d’avoir des critiques de la famille si c’est père-fils, père-oncle… C’est compliqué à gérer. L’avantage c’est qu’on peut en sortir de suite quelque chose mais la problématique c’est comment s’en extraire pour ne pas être tout le temps dans un milieu qui fait qu’on ne parle que de ça. Ce que je vois de temps en temps c’est que c’est bien d’intervenir auprès de quelqu’un mais il faut savoir s’en extirper aussi. Pour mieux y revenir par la suite. C’est ce que je fais avec Waltary, dès qu’il en a la nécessité.
Ce qu’il faut faire c’est trouver quelqu’un qui puisse vous apporter quelque chose soit par la facilité qu’il a à comprendre les choses, soit par l’analyse sportive du moment où ça se passe. Un coach c’est quelqu’un qui doit rester très froid car il doit avoir le bon discours et la bonne analyse au moment où le joueur est en plein effort. Ce n’est pas facile à faire. Il y a des grands champions qui ne sont pas forcément des bons coachs et inversement. Il y a plein de petits éléments qui font que la mayonnaise prend et qu’à un moment donné ça fonctionne. Un coach doit être complémentaire aux attitudes du joueur. Par exemple, Waltary, s’il n’est pas dans son démarrage de partie hyper motivé, c’est ça qu’il faut lui amener derrière. Il faut savoir le piquer, lui faire mal en parlant et c’est ce qui de temps en temps le fait réagir.
Comment un joueur peut-il s’améliorer techniquement ?
T. E : Techniquement aujourd’hui, on voit l’évolution des sports extérieurs, et c’est ce que font certains joueurs de pelote qui en ont pris conscience, il faut s’amener des à côtés. C’est ce que j’ai vu avec Peio Larralde. Il n’a pas amené que le côté technique qu’il travaille aujourd’hui énormément avec Manu Martiarena et son père. Il a aussi été chercher un préparateur physique, Laurent Terrien. Il a aussi été chercher un petit plus. Peio a eu l’intelligence d’aller se dire, malgré tout il y a des fois où je me trompe, donc qu’est-ce qui pêche ? C’est un vrai sportif de haut niveau dans le sens où il s’est dit je vais travailler ça sous forme de sophrologie avec quelqu’un qui va m’aider à travailler mes points faibles et à m’améliorer sur des moments où je ne me sens pas bien et que je n’arrive pas à retranscrire tout ce que je dois faire. Aujourd’hui, il s’est emparé de tout ça et ça marche plutôt bien. Même quand il est en période de fatigue, de non concentration ou de pas envie, il sait faire la part des choses et il sait rendre ce qu’il a à rendre même si ce n’est pas 100 % de sa capacité. Il rend une copie propre. C’est ce qui manque à beaucoup de joueurs pour être beaucoup plus performants.
Aujourd’hui, on ne passe pas forcément en Elite pro en ayant tous les acquis. Pour moi, aujourd’hui, il y en a trois qui sont très très forts : Baptiste, Peio et Waltary. Après, derrière, il reste des gens qui sont bons, voire très bons, mais avec des carences et des lacunes. Qu’elles soient mentales, techniques ou physiques. Ça veut dire qu’à un moment donné il y a des gens qui se donnent les moyens de faire des entraînements en étant bien accompagnés. On sent que quand le travail est fait régulièrement on franchit un petit cap. Il y a vraiment matière à évoluer.
Le mental est-il aussi important que la technique ?
T. E : C’est hyper important. On ne va pas dire que c’est 50 % mais pas loin. On va dire que tu sors une boîte à outils. C’est tout ce que tu sais faire à la pelote mais la caisse fondamentale c’est toi. Si tu ne sais pas te gérer toi-même, tu as beau mettre des outils dans la caisse, ça ne fonctionne pas. C’est très imagé mais on en est vraiment là. Des fois, il y a des joueurs qui se préparent comme des fous, qui sont physiquement hyper au point et au moment où ça se passe, ça fonctionne mais à 70 %. Il manque quelque chose. Qu’est-ce qui manque ? C’est d’avoir cette capacité mentale à donner 100 % de ce pour quoi je me suis préparé.
Pendant une partie, comment coachez-vous votre joueur ?
T. E : Il y a plusieurs phases. Il y a une discussion en amont. Contre qui on va jouer, quelles sont ses qualités et ses points faibles. A partir de là, on met en avant quelles sont les qualités de notre joueur et ses points faibles. On essaie de jouer en croisé c’est-à-dire que le joueur avec ses qualités va jouer sur les points faibles de l’autre pour remporter la partie. En même temps il y a la préparation physique. Moi ce que j’aime bien c’est avoir un petit discours en fin d’échauffement. Quand on prend une compétition comme la finale du championnat de France ou les Masters de Bayonne, je réunis les joueurs. La dernière fois c’était Waltary et Peio Guichandut. Juste après leur échauffement, avant leur entrée sur la kantxa, on a discuté cinq minutes en posant bien les choses et en disant qu’en sortant du vestiaire on allait faire ce qu’on s’était dit. Au début, ça n’a pas fonctionné. Ce qu’il faut réussir à faire dans ces cas là, c’est adopter un discours pour chacun, on va influer sur l’un et sur l’autre de façon à ce que ça refonctionne.
Est-ce plus compliqué de coacher deux joueurs en même temps ?
T. E : C’est compliqué mais c’est bien aussi parce qu’aujourd’hui on retrouve beaucoup de joueurs qui ont leur propre coach. C’est-à-dire que tu te retrouves au filet du fond avec deux ou trois coachs par équipe. Après, est-ce que c’est bien ou pas bien, je ne sais pas. Il faut qu’ils voient la même chose, qu’ils aient le même discours, que ça ait la même portée. L’avantage d’être seul avec deux joueurs c’est que si on a bien compris comment ils fonctionnent, le message est plus rapide. On a qu’un regard.
Est-ce une bonne chose que chaque joueur ait son coach ou faudrait-il quelque chose de plus structuré ?
T. E : C’est vraiment un ressenti personnel. Après, il faut peut-être essayer à un moment donné de se faire coacher par quelqu’un avec qui on a l’habitude de se faire coacher et de se faire coacher par quelqu’un de l’extérieur. Ça peut être quelqu’un qui peut juste être complémentaire c’est-à-dire garder la personne qui te coaches d’habitude et prendre cet élément extérieur. C’est ce qu’on fait par exemple avec Bixente Larralde. C’est son père qui le coache et je viens en complément. Ça amène ce regard extérieur.
Quand vous n’êtes pas présent à une partie, comment préparez-vous votre joueur en amont ?
T. E : En amont, je le vois un petit peu avant et le mieux c’est en face à face parce que tu vois de quelle manière réagit le joueur aux éléments que tu lui donnes. Malgré tout, il faut quand même essayer d’être présent parce que ça n’a jamais la même portée quand tu es sur le moment de l’action que de donner des infos et d’en avoir le retour. Tu ne sais pas véritablement ce qui s’est passé. Le joueur va te dire je n’ai pas été mauvais sauf qu’en fait il n’a pas été bon.
Là, on le fait de façon amateur, entre guillemets. Si un jour on arrive à amener la pelote sur quelque chose d’hyper structuré, d’hyper professionnel, il faut amener un vrai regard comme le sophro qui vient à la partie. La problématique d’aujourd’hui est de rendre des spectacles de qualité, que les sportifs soient préparés pour ça et développer le sport qu’est la pelote. Si on s’enferme dans de la non qualité, un moment donné le public ira moins et petit à petit ce sport là ne sera pas reconnu. Il y a un joueur que j’aime bien pour sa qualité de prestation, celui qui est le plus régulier à ce jour, pour moi c’est Baptiste Ducassou. Quand il rentre dans un trinquet, même si je peux lui donner des défauts, on sait que quand il va mettre sa tenue, il va rendre une copie.
Passez-vous du temps à observer les autres joueurs pour planifier les tactiques ?
T. E : L’avantage que j’ai c’est que je les connais bien. On voit vite si en face ça va répondre ou pas. Il y a quand même une vraie stratégie de base à mettre en place pour aller détruire les forces de l’adversaire. Les joueurs se connaissent tellement bien qu’ils savent qui est bon à la volée, qui est mauvais de la gauche en bas… Il faut aussi bien jouer en équipe. La problématique d’aujourd’hui en Elite pro c’est que ça bouge tellement que l’uniformité de l’équipe n’est pas toujours là. Le mieux est parfois de niveler légèrement les niveaux et on retrouve une cohésion d’équipe qui fait que ça va mieux jouer que contre une équipe plus forte. Le niveau de l’Elite pro aujourd’hui ne donne pas ça parce qu’il y a un vrai écart.
Après une défaite, en tant qu’ancien joueur, savez-vous mieux comment vous comporter avec votre joueur ?
T. E : De toute façon, quand tu as perdu, le débrief à chaud ne sert pas à grand-chose. Le joueur est en train de ressasser, il est dans l’hyper réaction c’est-à-dire que ce que tu vas dire, ça va rentrer là et ça va ressortir de l’autre côté. C’est quelque chose qu’il faut faire à froid. Dans des parties qu’on avait bien préparées ou des parties qu’on pensait gagner et qu’on a perdues, quand je vois Waltary assis au fond du trinquet, on se tape dans la main et puis on se dit à demain. Etre coach, c’est difficile comme job. C’est un vrai petit métier. Il faut que le message passe, que la relation soit fluide. Moi je le fais par respect du joueur. J’aime aller coacher quelqu’un comme Waltary parce que mon objectif c’est de lui amener ce petit plus qui fait que c’est lui qui va briller. Même si lui après me dit ‘merci, si t’avais pas été là ça aurait pas été bon’. J’aime aussi aller coacher quelqu’un comme Bixente qui est un vrai diamant brut et qu’il faut essayer de faire performer pour l’amener beaucoup plus haut. Tu fais ça quand tu vois que les joueurs sont motivés. Il faut savoir que c’est du bénévolat, on le fait avec les tripes.
Quels conseils donneriez-vous à un joueur qui voudrait devenir professionnel ?
T. E : Il y en a plusieurs. Déjà d’avoir envie, de savoir qu’il faut bosser dur pour y arriver. Et que même quand on est proche il faut tout le temps penser à progresser. Ça passe par des phases où on amène des éléments extérieurs qu’on n’avait pas l’habitude de pratiquer : préparateur physique, préparateur mental, un coach qui peut devenir différent de celui qu’on avait avant parce que le niveau va changer. Aller voir les parties aussi car on retient beaucoup de ce qu’on voit. Ce sont des éléments fondamentaux. Quelque part aussi, il faut oser aller parler avec les joueurs et leur demander ce qu’ils ont mis en œuvre pour que ça fonctionne. Il faut être curieux.